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les dangers du ski
la chroniquede stéphane denis.
publié le 11 octobre 2007
actualisé le 11 octobre 2007 : 08h19
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la chronique de stéphane denis
bernard-henri lévy skiait avec nicolas sarkozy. pendant la présidentielle, sarkozy lui réclama un article enthousiaste. cela prouve les dangers du ski, même au téléphone. mais l'homme de gauche est resté inflexible : « quand l'intolérable n'est pas en jeu, tous les sports sont permis. » ainsi se pose la question de l'amitié en politique en même temps que la définition de l'intolérable. glissant avec le candidat de la droite, le philosophe n'est pas allé jusqu'à s'engager en sa faveur : était-ce la vigilance, était-ce l'idéologie, était-ce qu'il n'en avait pas besoin, il n'en a pas moins tenu bon et raconte aujourd'hui les raisons de sa résistance. je me demande s'il est allé jusqu'au bout de son histoire et si une autre conversation, un peu plus brève celle-là, n'a pas suivi la première, l'élection faite et la victoire dans la poche, mais je veux en rester au niveau des principes et respecter des secrets qui, après tout, ne sont pas les miens.
dans une conjoncture pareille, j'aurais avoué ma perplexité. la droite allait gagner, la gauche était dans les vapes. en apparence, il n'y avait que des avantages. c'était justement ce qui m'aurait fait réfléchir. d'abord je n'aurais pas été le premier. dans la catégorie des intellectuels, des penseurs, des philosophes, on m'aurait précédé. sauter le pas, c'est bien, prendre le train, beaucoup moins. où est le geste dans la répétition, l'individu dans la foule, le mérite dans l'uniformité ? compte tenu des moeurs particulières au milieu, il ne fallait plus y songer. les journaux, d'autre part, ne m'auraient pas loupé. un ralliement, c'est une destinée. deux ralliements, c'est une politique. voyons ce qu'il est advenu des deux ou trois défroqués qui ont rejoint le nouveau régime : ils sont déjà perdus dans la liste des conquêtes à venir.
ensuite, l'expérience n'allait pas de ce côté. l'intellectuel qui change de camp est plus courant qu'on ne le croit, mais il y faut une circonstance, un drame, un cataclysme et les plus précautionneux s'en sont gardé in extremis. je pense à gide en 1940, à mauriac en 1958. gide a reculé. il a fallu pousser mauriac. encore s'agissait-il d'écrivains et non d'intellectuels. et puis on était en 1940 ou 1958. gide a flairé qu'il y perdrait sa liberté. mauriac s'est résigné parce que les circonstances lui réservaient une place et qu'elles allaient durer longtemps, considérables, mais je crois que le fond de son coeur allait, du point de vue journalistique, du point de vue de celui qui tient son bloc-notes, qui a sa copie à rendre et l'actualité à aimer, beaucoup plus à ce chenapan de mitterrand qui touchait enfin à la présidence du conseil qu'au général de gaulle qui voulait toucher à sa chère ive république.
enfin, la droite ne sait pas quoi faire des soutiens qu'elle reçoit. c'est connu et irrémédiable. devenir le penseur de la droite, personne n'y a réussi sauf en exil, fut-il un exil intérieur comme de maistre ou maurras. la droite ne tient pas l'article et bien qu'on fût à la veille d'un nouveau régime il y avait peu de chances qu'elle apprenne, qu'elle rompe avec des siècles d'habitude, je ne sais pas, moi, il fallait au moins remonter à barrès pour trouver un intellectuel installé à droite, et c'était encore un écrivain. la droite avait beau proclamer qu'elle gagnait la bataille des idées, que tout se jouerait désormais sur son terrain, que la victoire était complète et sa domination pour mille ans, bernard-henri lévy savait bien qu'elle se fichait le doigt dans l'oeil. c'était des rêves de jeune fille. il n'allait pas tomber là-dedans.
d'ailleurs la gauche l'attendait. À la ramasse et dans les choux, c'est comme ça qu'il l'aimait le mieux. on était dans une situation des plus favorables. peu de monde, du courage, des appels à la réforme intellectuelle et morale. il n'y avait pas à hésiter. blum avait gardé la vieille maison, cinquante ans après on en parlait encore. il y avait aussi cette tradition de la petite lueur de l'espérance, il ne savait plus qui l'avait écrit mais elle lui allait tout à fait. la gauche, il n'en aurait jamais autant été et il le fit savoir. il irait à courchevel avec d'autres, voilà tout.
restait à donner du corps à son cri, de la dimension à son renoncement, du prix à son sacrifice. c'était plus ennuyeux. somme toute, il n'avait pas grand-chose à reprocher à la droite qui s'annonçait aimable avec la gauche, chevaucheuse de chimères et pas complexée sur ses propres changements de pied. il était encore plus délicat de préciser ce qui la séparait de la droite, en dehors de quelques antiquités auxquelles il ne fallait même pas penser ; c'était bon pour besancenot. tendre les bras à bayrou n'était pas suffisant. il chercha dans sa panoplie au rayon de ses oeuvres complètes et déterra vichy ; la droite était vichyste pour avoir loué une matinée de campagne le mont-saint-michel. il choisit un bouc émissaire qui en avait vraiment la tête et raisonnait comme un tambour : un type à l'Élysée, qui faisait des discours. puis il alla à la télévision. il avait trouvé son affaire : le fascisme ne passerait pas. déjà il avait vu juste et déjà pointait l'intolérable.
«»« la droite ne sait pas quoi faire des soutiens qu'elle reçoit. c'est connu et irrémédiable »
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